Le monde et sa création
De la même manière qu’il est le créateur de son propre panthéon, le divin génère et organise le monde en une création originale reposant sur des éléments précis et incontournables. Pour qui veut comprendre la spiritualité hindoue, il est essentiel d’entrer plus avant dans cet univers défini par Dieu, auquel se rattachent toutes les composantes de la destinée humaine. Brahman est le principe divin originel. Il est animé d’un rythme : à chacune de ses inspirations il crée l’univers, puis lors de chaque expiration il le détruit. Ainsi le cosmos et l’espace sont-ils éternellement renouvelés. Création et dissolution alternent sans fin, comme l’inspir et l’expir du souffle divin. Elles se succèdent en une étonnante complémentarité, passant du non-manifesté au manifesté, du multiple à l’Un. Il en va de même pour l’homme, microcosme à l’image du macrocosme, dont le corps est étroitement lié aux rythmes de l’univers, qui passe de la vie à la mort au fil des incarnations.
De fait, avant ce que l’on nomme la Création il existe un état que l’on assimile à la « non-connaissance », au « non-manifesté ». C’est l’essence divine de Brahman qui crée l’étincelle et enclenche le processus de création ».
L’essence de l’ego va poindre ensuite pour devenir la conscience du moi individuel, et enfin un continuum matériel, impondérable, le pradhâna qui couvre l’espace et porte en soi les trois gunas. Ces gunas qualifient la substance primordiale. Ce sont : sattva, principe lumineux, rajâs principe affectif et tamas, principe ténébreux.
L’Akaça ou éther, le continuum matériel, d’une extrême subtilité, donne naissance aux quatre éléments : air, feu, eau et terre. De leur combinaison naît la Vie, constituant l’oeuf de Brahman. C’est le dosage des trois gunas et des quatre éléments, y compris l’akaça, qui façonne le monde phénoménal. Ce mélange crée des corps matériels de plus en plus épais. Le sattva oriente l’âme vers le Brahman tandis que le rajâs et le tamas l’en détournent. Les gunas sont les facteurs des aspects inégaux de l’activité humaine, du Monde des Noms et des Formes, mais tout est Brahman, fait partie de Lui. Le monde est le Brahman mais le Brahman sert d’âtman à l’univers.
Le Brahman est non-manifesté dans le premier temps quand sommeille, encore virtuel, le monde des Noms et des Formes. Il est la Cause. Dans le deuxième temps, il est le Brahman manifesté, l’Effet, et ce jeu des Causes et des Effets, du Purusha et de la Prakriti, n’est autre que le mouvement cosmique. Dans l’éternité alternent le Brahman manifesté et le Brahman non-manifesté. Le Pralaya ou dissolution universelle, permet de dire que tous les effets sont irréels puisqu’ils se réabsorbent dans leurs causes. Solange Lemaître, op. cit.
De cet « œuf cosmique » naît un univers dans toute sa complexité, dont la partie supérieure est constituée de sept étages célestes — dont le plus élevé est le séjour du Brahman — et la partie inférieure d’autant d’étages souterrains — dont le plus bas est le séjour des châtiments (naraka). La Terre est habituellement située entre ces deux parties de l’oeuf de Brahman ; on lui donne la forme d’un disque au centre duquel se dresse le mont Meru, auréolé d’un prestige sans égal car il est considéré comme le pivot du monde. Disposées autour de lui aux quatre orients, on distingue quatre îles-continents, appelées dvîpa. Dans une version ultérieure (celle des Pûranas), on désignera sept îles et océans concentriques autour du Meru.
Avec cette définition complexe de l’univers, la cosmologie hindoue, en dessinant ses limites dans l’espace, affirme une certaine forme de matérialité et s’ancre dans le concret, donnant aux spéculations des sages une consistance « palpable ». Par voie de conséquence, l’espace étant indissociable du temps, apparaît la notion d’ « âges du monde », qui met en scène une succession d’ères cosmiques appelées kalpa. Chacune d’elles — depuis la création d’un monde jusqu’à sa dissolution — est considérée comme un jour de la vie de Brahman.
Chaque kalpa est composé de mille « grands âges », chacun d’eux étant à son tour divisé en quatre « âges », ou yuga précisément définis : l’âge parfait, le troisième yuga, le second yuga, et enfin le kali-yuga, ou âge mauvais. Du début à la fin de chaque monde, c’est donc d’une dégradation dont il s’agit, allant du meilleur au pire. Présentement, notre humanité est justement dans ce quatrième yuga, comme le souligne fort à propos Louis Renou : Le kali-yuga se caractérise par une déperdition des « trois quarts » du dharma existant à l’âge parfait, ce qui a pour corollaire les guerres, les fléaux, les vices, les morts précoces que nous voyons autour de nous. La courbe de l’humanité actuelle, comme d’ailleurs celle des humanités passées et futures, marque une évolution régressive, aboutissant à des « dissolutions intermédiaires » — incendies, suivis de déluges ; à la fin des temps vient la « grande dissolution » (mahâ-pralaya) qui coïncide avec la fin de la vie de Brahman ; le monde se résorbe en Brahman par un processus involutif jusqu’à l’éclosion d’un nouvel œuf cosmique.
Des nombres clés de la Tradition primordiale : 54,108, 432
Le temple de Borobudur à Java, construit au IXe siècle de notre ère, compte 72 statues de Bouddha sur chacun des quatre côtés de sa tour centrale, soit 432 Bouddhas au total. Sur les trois étages supérieurs du temple se trouvent 72 bouddhas supplémentaires à l’intérieur de stupas percés, ce qui porte le nombre total à 504. Rien de tout cela ne peut être le fruit du hasard, ce qui suggère que nous devrions peut-être chercher ici des preuves tangibles des origines de cette profonde compréhension sacrée des nombres cosmiques, dérivée des synchronisations entre le triple cycle d’éclipses saros de 54 ans et un « siècle » précessionnel de 72 ans.
Le temple de Borobudur représente la montagne cosmique Sumeru, nom bouddhiste du mont Meru, qui, dans la littérature védique, est située à l’extrême nord de l’Inde, soit dans les monts Tian Shan en Chine, soit dans les monts Altaï du sud de la Sibérie et de la Mongolie. Est-ce à ce moment-là que nous trouverons les origines de ces séquences de nombres cosmologiques ? Comme nous l’avons vu, 432 est la durée d’une période cyclique complète dans la tradition calendaire altaïque, et pourtant, tout comme à Borobudur, avec ses 72 bouddhas supplémentaires, le cycle altaïque prévoit une période supplémentaire de 72 ans, ce qui porte le nombre total à 504. Ainsi, à Borobudur, nous voyons le concept du temps cosmique non seulement encapsulé dans la pierre, mais aussi envisagé comme tournant autour d’un point de pivot vu en termes d’axis mundi, ou axe de la terre.
Le fait que les astronomes grecs qualifiaient le cycle du triple saros d’exeligmos, du grec exelimos, qui signifie « tourner ou faire tourner la roue », est une indication de l’architecture bouddhiste de Borobudur, qui représente physiquement le Sumeru.
MONT MERU
Le Mont Meru, ou Sumeru, était un concept basé sur l’idée que l’axe cosmique, le point de rotation des cieux, tournait autour d’un mécanisme semblable à un pivot fixé à la terre. Ce mécanisme était le plus souvent imaginé sous la forme d’une montagne ou d’un arbre, qui pouvait être remplacé au besoin par une simple perche ou un poteau afin qu’un chaman puisse l’escalader pour accéder au monde du ciel. Un certain nombre de sites montagneux ont été identifiés au mont Meru. Par exemple, le peintre et voyageur russe Nicholas Roerich (1874-1947) a identifié le plus haut sommet de la chaîne de l’Altaï, Belukha, avec Sumeru, la forme bouddhiste du mont Meru, et l’on peut relier directement Belukha à Meru. Il est intéressant de noter que Belukha est le nom russe de la montagne ; dans la tradition turque, il s’agit d’Uch-Sumer, qui signifie « trois pics », ou d’Umai-Uch-Sumer, le « ventre des trois pics », une référence à son rôle de mère de la terre, Umai Ana, dont le totem principal est le cygne. Elle est bien sûr l’épouse du dieu du ciel Tengri, dont le totem est l’oie blanche.
Il faut souligner l’importance d’une autre montagne sacrée appelée Khan Tengri, qui devient un autre candidat pour le mont Meru. h est un sommet important de la chaîne du Tian Shan en Asie centrale, et a été le centre du culte du dieu Tengri depuis des temps immémoriaux. À cette liste de montagnes mondiales potentielles, nous pourrions ajouter le pic Bogda dans la chaîne des Bogda Shan, une extension orientale des monts Tian Shan. C’est un candidat possible pour la montagne cosmique chinoise nommée Kunlun, qui était la demeure de la déesse Hsi Wang Mu, la Grande Mère de l’Ouest.
LE CENTRE DE L’ASIE
Bien que tous ces sommets puissent être considérés comme sacrés et définir une partie de la « pépinière altaïque », comme l’appelle Ashe, ils ne sont que des représentations physiques d’une montagne cosmique conceptuelle. Il est peut-être erroné de désigner une montagne comme marquant le centre absolu de la terre, autour duquel les cieux sont considérés comme tournant. Néanmoins, un monument situé au sud d’Ûrümchi, la ville des sables au bord du bassin du Tarim, est censé marquer le centre de la masse continentale asiatique. D’autres monuments similaires existent dans la région. L’un d’entre eux, situé plusieurs centaines de kilomètres plus au nord, à Kyzyl, la capitale de la République de Touva, est connu sous le nom de monument du Centre de l’Asie. Il s’agit d’un grand obélisque en forme de poteau sur un globe terrestre, avec un « cerf solaire » à son sommet. Il est évident qu’il représente l’axe de la terre. Un axis mundi original d’une extrême ancienneté existait-il donc quelque part dans cette région ? Cet endroit était-il la véritable source des histoires du Meru hindou et du Sumeru bouddhiste ? Pourrait-on le retrouver aujourd’hui ?
Le Touva est situé entre les montagnes de l’Altaï et le lac Baïkal, et dans la tradition chamanique touvane, la montagne cosmique est appelée Sümber-ula, un nom qui pourrait bien avoir des liens avec le concept bouddhiste du mont Sumeru. Les adeptes du tengrisme ou du bourkhanisme considèrent l’ensemble de la région de l’Altaï comme le « Kin-Altaï à douze facettes », ainsi que le « nombril de la terre ». On dit qu’elle est située à la base d’un arbre cosmique, Kangyi, l' »axe », qui coïncide avec la trajectoire de la Voie lactée et pénètre dans le monde supérieur par l' »étoile polaire », autrement dit le polestar, ce qui s’est produit pour la dernière fois lorsque le pôle céleste nord a traversé les constellations de Céphée, vers 20 000-15 750 avant notre ère, puis du Cygne, vers 15 750-12 750 avant notre ère. C’est peut-être pour cette raison que le mont Belukha, dans son rôle de montagne cosmique et de lieu de naissance du monde, est considéré comme une personnification de la mère cygne Umai Ana, car il y a toutes les chances que son association avec l’axis mundi, l’axe du monde, remonte à une époque où les étoiles de Cygnus, en tant que cygne céleste, commandaient la position du pôle céleste septentrional.
LE BARATTAGE DE L’OCÉAN DE LAIT
Il est très probable que la constellation du Cygne, et peut-être même une combinaison d’étoiles appartenant à la fois aux constelletions du Cygnes et à Céphée, ait formé le premier gardien aviaire de l’axe cosmique et le gardien du temps cosmique. En Égypte, ce rôle était joué par l’oiseau bennu, qui revenait d’Arabie à Héliopolis soit tous les 1461 ans, soit tous les 500 ans. Dans l’ancienne Mésopotamie, c’était l’oiseau Zu, tandis que dans la tradition védique hindoue, c’était l’aigle monstrueux connu sous le nom de Garuda. On dit qu’il a pris dans sa tare l’amrita (ou amrit), l’ambroisie ou nectar des dieux considéré comme l’élixir d’immortalité, créé lorsque 54 asuras (démons ou anti-dieux) et 54 devas (dieux) ont brassé l’océan lacté en tirant d’avant en arrière le corps du grand serpent Vasuki, qui s’était enroulé à cette fin autour du Mandhara, un éperon du mont Méru, semblable à un poteau.
Le concept de Samudra Manthan, le barattage de l’océan lacté, est exprimé par un symbolisme numérique approprié au Bayon, le grand temple situé au cœur du centre religieux d’Angkor Thom, au Cambodge, qui date de la fin du XIIe siècle et du début du XIIIe siècle, pendant la période khmère. Ce magnifique ensemble de bâtiments était à l’origine dédié au dieu hindou Vishnu, mais a été transformé par la suite en temple bouddhiste. Comme Borobudur à Java, Angkor Thom fonctionne comme une représentation physique du Mont Meru, étant situé sur une île carrée entourée d’un grand fossé. L’entrée dans le complexe se fait par quatre ponts situés aux points cardinaux. Chaque pont présente des statues sculptées de 54 asuras d’un côté et de 54 dévas de l’autre. Ils sont représentés tenant le corps étendu du grand serpent Vasuki, qu’ils semblent tirer d’avant en arrière dans un jeu de tir à la corde inimaginable.
Il est très probable que le fait de tirer le grand serpent dans un sens, puis dans l’autre, était censé signifier la création d’un triple cycle saros de 54 ans par les asuras, suivi d’un autre cycle créé par les devas, impliquant ainsi 54 années d’obscurité suivies de 54 années de lumière, ce qui donne un cycle complet de 108 ans. La croyance standard concernant ce que le barattage de l’océan lacté représente en termes célestes suggère que la lutte entre les asuras et les devas signifie le mouvement du soleil et de la lune lorsqu’ils oscillent d’avant en arrière entre les solstices chaque année. Pourtant, cette oscillation perçue entre les extrêmes solaires et lunaires est très probablement liée, non pas au mouvement des corps célestes au cours d’une année, mais à leurs mouvements au cours de ce que l’on appelle le cycle d’immobilité lunaire. Ce cycle dure 18,61 ans, au cours desquels la lune se lève plus au nord ou plus au sud du soleil au moment des solstices, tandis que les neuf autres années, la lune se lève dans les limites des levers les plus au nord et les plus au sud du soleil à cette époque. Puisque la durée du cycle d’immobilité lunaire est similaire à celle du cycle d’éclipse de saros de 18 ans, cette interprétation du Barattage de l’Océan Lacté soutient l’idée que le récit des 54 asuras et 54 dévas tirant le grand serpent dans un sens ou dans l’autre se rapporte réellement à l’alternance entre les asuras et les dévas et à l’alternance entre les asuras et les dévas dans un sens ou dans l’autre. Soit les cycles d’obscurité et de lumière, chacun marqué par le début d’un triple cycle d’éclipses de saros d’une durée de 54 ans. De plus, un double cycle de 108 ans multiplié par quatre donne bien sûr 432 ans, soit la durée d’un « mini » Kali-yuga.
L’importance du nombre 432 au Bayon d’Angkor Thom est soulignée par l’addition successive du nombre d’asuras et de devas sur chaque pont, soit 108, 216, 324 et enfin 432, ce dernier chiffre constituant 4 périodes d’égale lumière et obscurité (108 ans x 4 = 432 ans). La seule complication dans cette synchronisation parfaite entre le temps cosmique et l’architecture sacrée est le fait qu’un cinquième pont d’entrée, la Porte de la Victoire, a été créé avec 54 asuras et 54 devas supplémentaires, portant le nombre total de statues à 540.
RAHU ET KETU
Le fait que l’histoire du Barattage de l’Océan Lacté fasse allusion à l’importance des cycles d’éclipses est mis en évidence par le fait qu’après la production de l’amrita, celle-ci est volée et consommée par un asura nommé Svarbhânu, qui a le corps d’un serpent. Le dieu Vishnu poursuit Svarbhànu et lui coupe la tête. Cependant, Svarbhànu étant désormais immortel, sa tête désincarnée continue d’exister, désormais sous le nom de Rahu (Rahula dans les récits bouddhistes), tandis que son corps serpentin prend le nom de Ketu. Rahu et Ketu deviennent alors les deux nœuds lunaires, qui sont toujours à 180 degrés l’un de l’autre, l’un dans le ciel du nord et l’autre dans le ciel du sud. Comme nous l’avons vu, ces points d’intersection entre les orbites solaire et lunaire, appelés respectivement nœud ascendant (Rahu) et nœud descendant (Ketu), définissent l’endroit où les éclipses solaires et lunaires peuvent se produire – la tête coupée de Rahu étant considérée comme la cause réelle des éclipses.
Il existe très clairement une relation entre la mythologie qui sous-tend l’établissement des nœuds lunaires et le cycle de 54 ans des triples éclipses de saros, raison pour laquelle les nombres 54 et 108 reviennent à plusieurs reprises dans l’architecture sacrée, non seulement à Angkor Thom, mais aussi à Angkor Vat, qui se trouve à proximité. Il s’agit d’un autre complexe de temples hindous et bouddhistes de la période Khymer, construit au XIIe siècle et représentant également le mont Meru. Ici, l’art et l’architecture mettent à nouveau en scène le nombre 54 et sa double forme, 108. Par exemple, le complexe, qui comme le Bayon d’Angkor Thom est de plan carré et entouré d’une douve carrée, est accessible à l’ouest par un seul pont allongé. Il est en deux parties, un serpent nàgà allongé formant la balustrade de part et d’autre de chaque partie. Les quatre nàgàs sont soutenus par 54 balustrades, soit 108 par section et 216 au total. Un nombre égal de colonnes soutenait autrefois les balustrades elles-mêmes. Le fait que chaque section mesure 54 phyeam, une unité de mesure composée de quatre coudées de 0,43545 mètre de long, ajoute encore à la signification numérique et logique du pont ouest d’Angkor Vat. Ainsi, en coudées locales, les deux sections du pont ont une longueur de 432 coudées, ce qui a été interprété comme une représentation fractionnelle d’un Kali-yuga de 432.000 ans.
Chaque mesure et chaque séquence de chiffres à Angkor Wat et Angkor Thom reflètent délibérément le temps cyclique tournant autour d’un axis mundi vu sous l’angle du mont Meru. Cela soulève à nouveau la question de savoir si, quelque part dans la région de l’Altaï-Baïkal, que l’on peut considérer comme le point de naissance hypothétique de la civilisation humaine, il existait un lieu d’origine commun pour l’interconnexion entre les séquences de nombres cosmiques et les cycles célestes impliquant le soleil, la lune et les étoiles. Si tel est le cas, pourrait-on l’identifier aujourd’hui ? Pourrions-nous trouver la véritable source du système calendaire Altaï-Baïkal ?
LA SOURCE DE L’IMMORTALITÉ
L’une des raisons possibles est la nature de l’amrita, l’ambroisie ou le nectar des dieux, présenté dans le Samudra Manthan, le Barattage de l’océan lacté. Tout porte à croire que l’amrita, source d’immortalité pour les dieux et les asuras, a été créée grâce à l’intervention de la lumière de la lune. Dans l’Inde ancienne, la lumière de la lune était capable d’imprégner d’une qualité spéciale l’eau prélevée dans certains bassins, certaines cascades et certaines rivières. C’est ainsi qu’est née l’amrita, capable de conférer la longévité à celui qui la boit. Ainsi, l’eau exposée à la lumière de la lune d’une manière prescrite était considérée comme la clé de l’immortalité, une constatation qui confirme adéquatement le lien entre l’histoire du barattage de l’océan lacté sur le mont Meru et le suivi des cycles d’éclipses basé sur des observations à long terme de la lune, comme le cycle d’éclipses triple saros de 54 ans.
Ces notions cosmologiques profondes sont-elles nées chez les peuples du paléolithique supérieur de la région de l’Altaï-Baïkal ? Ont-elles été transportées vers l’ouest jusqu’à Gôbekli Tepe, dans le sud-est de l’Anatolie ? Ont-elles ensuite été reprises par les premiers habitants de la ville voisine de Harran, qui ont conservé la connaissance du cycle des triples éclipses de saros jusqu’à l’époque classique ? Enfin, les Chaldéens, habitants de Harran et de la proche Sanliurfa, ont-ils hérité de la connaissance de séquences numériques archaïques, comme les 473 040 ans qui, selon Cicéron et Diodore de Sicile, correspondent à la durée de l’enregistrement du mouvement des étoiles ?
Ce nombre, semblable à ceux qui composent les cycles yuga puraniques, dérive très probablement de multiples cycles temporels solaires et lunaires, y compris le cycle caniculaire de 1460/1 ans et le système calendaire Altai-Baikal de 216 et 432 ans, qui ont très probablement trouvé leur origine dans le centre-sud de la Sibérie, il y a au moins 24 000 ans, et sans doute bien plus tôt encore.
De plus, tout porte à croire que nombre de ces idées cosmologiques, basées sur le temps cyclique, se sont ensuite retrouvées dans la vallée du Nil, en Égypte, en passant par le monde néolithique pré-poterie de Göbekli Tepe. C’est là qu’elles se sont allées.
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